Jeudi 15 Novembre 2012

CHATILLON COLIGNY

 

Texte de Dany AUBRY

Photos Amis du Musée

 

La deuxième sortie des Amis du Musée nous emmène dans le Loiret par une journée un peu grise et brumeuse. Heureusement, les belles couleurs dorées de l’automne remplacent en partie le soleil. Pendant le trajet, le Pasteur Lienhardt, qui a préparé cette sortie, nous donne tous les renseignements sur notre destination, Châtillon-Coligny, patrie de la puissante famille des Coligny.


Un peu d'histoire

Le château de Châtillon entre dans la famille des Coligny dans la corbeille de mariage d’une Dame de Melun avec l’arrière grand-père de l’Amiral, Guillaume II en 1437. C’est son grand-père, Jean III qui quitte sa région d’origine, la Franche-Comté, pour s’installer à Châtillon. Son père, Gaspard Ier, devient Maréchal de France après la bataille de Marignan. Epouse de Louise de Montmorency, sœur du Connétable, ils eurent plusieurs enfants, dont 3 fils célèbres.

 

- L’aîné, Odet de Châtillon, est nommé cardinal à 16 ans. En 1558.1559, les 3 frères se déclarent pour la Réforme. Odet se marie en 1564 avec Isabelle de Hauteville. Il est excommunié. Nommé Ambassadeur du parti protestant auprès d’Elisabeth 1ère, il vit en Angleterre. Il y meurt emprisonné en 1571. Sa tombe est située dans le déambulatoire de la cathédrale de Canterbury.

 

- Le second, Gaspard II, fait une brillante carrière militaire. Il est Amiral de France. Il aura beaucoup d’influence sur le jeune roi Charles IX avant sa fin tragique.

 

- Le troisième, François d’Andelot, sera Colonel Général de l’infanterie française.

 

Tous trois ont reçu une excellente éducation humaniste, dans le rayonnement de Marguerite de Navarre, sœur de François 1er. Son château de Nérac sera un refuge pour les protestants. Elle se brouillera plus tard avec Calvin.

 

Les 3 frères sont toujours restés très solidaires. Ils ont eu de brillantes carrières, tout comme leur contemporain François de Guise qui fut leur ami avant de devenir leur rival en religion lorsqu’il devint le chef des troupes catholiques.

 

L’Amiral Gaspard II était un homme très tolérant. Après sa conversion à la Réforme, il n’imposa pas sa religion à ses sujets de Châtillon. Il aimait son château qu’il embellit et ne dédaignait pas de tailler les rosiers de son parc. Il fonda dans la ville un collège calviniste.

 

Meilleur diplomate que Louis 1er de Bourbon Condé (chef des calvinistes et oncle du futur Henri IV) c’est lui qui conduira les négociations avec Catherine de Médicis dans l’espoir d’obtenir Le droit à la liberté de conscience et de culte. Le Prince de Condé sera assassiné après la bataille de Jarnac en 1569.

 

L’amiral est l’auteur d’un règlement de discipline militaire qu’Henri II imposa à son armée. On lui doit la doctrine du « pré carré » qui préconisait l’abandon des stériles visées françaises sur l’Italie pour mieux défendre les frontières du nord. Doctrine reprise plus tard par Louis XIV.

 

Ce grand militaire était un grand organisateur. Il savait tenir ses troupes, composées de volontaires recrutés parmi les 2 millions de protestants que comptait la France en 1560 (sur une population de 15 à 18 millions). Il remporta avec eux la victoire d’Arnay-le-Duc. Il apprit le métier des armes à ses cousins, Henri de Navarre et Henri de Condé. Il savait assurer les retraites en bon ordre. Il fit replier ses armées sur La Rochelle qui devint un bastion protestant jusqu’à son siège par Richelieu en 1627. Richelieu, sagement, n’abolit pas l’Edit de Nantes. Il en supprima seulement les garanties militaires.

 

Arrivé à ce point de son récit, notre érudit Pasteur s’avise que nous passons à proximité de Montargis qui lui évoque irrésistiblement le souvenir de Renée de France qui s’y retira. Fille cadette de Louis XII et Anne de Bretagne, elle reçut en échange de son renoncement à la Bretagne diverses terres dont le duché de Chartres et la seigneurie de Montargis. Elle épouse Hercule d’Este, duc de Ferrare. Très cultivée, férue de sciences et d’astrologie, elle était ouverte à toutes les idées humanistes et protégea les protestants. En 1537, elle reçut Calvin à Ferrare. Convertie à la Réforme, à la mort de son époux, elle reçoit un ultimatum de son fils « la messe ou la valise ». Elle rentre en France où elle participe en 1561 au Colloque de Poissy, une des tentatives de Catherine de Médicis et de Michel de l’Hospital pour régler le conflit religieux. Mais elle a peu d’influence et se retire à Montargis. Grande amie de l’Amiral de Coligny, elle accueille de nombreux réformés dans son château (dont il ne reste pratiquement rien). L’architecte Androuet du Cerceau y demeure plus de 10 ans.

 

Sa fille aînée, Anne d’Este, avait épousé François de Guise, chef des armées catholiques. Il est assassiné au siège d’Orléans en 1563 par Poltrot de Méré, gentilhomme de l’entourage de Coligny. Anne et sa mère deviennent les ennemies de l’amiral qu’elles pensaient être à l’origine du meurtre. Ce premier assassinat en engendra toute une série, dont celui de l’amiral, puis celui d’Henri 1er de Guise (fils de François) sur ordre du roi Henri III.

 

Renée de Ferrare échappa aux persécutions contre les Réformés grâce à une visite que fit le Pape à Ferrare. Son mari voulait l’éloigner pour éviter les problèmes mais elle reçut si bien le Pape que celui-ci lui accorda un bref qui la plaça sous l’autorité du Saint Siège et va lui permettre de ne pas être inquiétée.

 

C’était une femme remarquable que le poète Clément Marot qualifie de « rose au milieu des épines ».

 

 

Mais, pendant toutes ces belles histoires, nous voici arrivés à Chatillon-Coligny. Jolie petite ville à proximité du Canal de Briare, arrosée par le Loing et le Milleron. Appelée Châtillon sur Loing jusqu’au 24 mars 1896, elle devient Châtillon Coligny pour la distinguée de Châtillon sur Loire.

 

Sur la place, une statue du physicien Antoine-César Becquerel et nous arrivons devant la Mairie, édifiée début XXe, à l’emplacement du collège calviniste fondé par l’Amiral dont un buste de dresse devant. Accueillis par notre guide, nous nous dirigeons vers le château en passant devant l’église du XVIe dont le clocher jouxte une porte de la ville.

Le Château

 

 

 

Dans le parc du château, se trouve le tombeau de l’Amiral Gaspard II de Coligny dont l’assassinat fut le prélude de la Saint Barthélémy, dans la nuit du 24 au 25 août 1592.

De la porte principale partent les remparts édifiés au XVe. Pendant la Guerre de Cent Ans, Châtillon est ravagé par les troupes anglaises en 1359. Le seigneur Louis de Melun le reconstruit au pied de la motte féodale, dans les marais. De puissantes murailles l’entourent, ponctuées de 3 portes et 5 tours.

Nous pénétrons dans le parc dont les arbres rivalisent d’ors et de roux.

 

En 1552, l’Amiral sépare le château du village et transfère la paroisse de la Chapelle du Château à l’église actuelle. Les restes de la chapelle Saint Pierre sont encore à fouiller. Le château actuel, briques et pierres, a été construit au XIXe par un Duc de Montmorency-Luxembourg dont la famille était héritière des Coligny, sur l’emplacement du pavillon d’entrée de la cour d’honneur. Nous longeons le reste de murailles, flanché d’une tour (tour Becquerel), près de la maison des grands savants.

 

Derrière le château s’étendent 3 terrasses que fit construire Jean III de Coligny. La première est occupée par une grande orangerie, creusée dans la roche. Gaspard II la commanda et elle fut réalisée en 1560. Elle fut la première en France. L’architecture en est magnifique rythmée par de grandes baies vitrées et 9 arcades successives. Une douce température y règne, permettant, non seulement la conservation des orangers mais aussi la culture de plantes de toutes origines. Les murs de géraniums y mettent leur note de couleurs vives. L’Amiral de Coligny ayant participé à deux expéditions lointaines (l’une au Brésil avec l’Amiral de Villegagnon, l’autre en Floride) des plantes inconnues furent ramenées pour être acclimatées. L’Amiral pensait trouver là-bas des refuges pour les protestants persécutés.

 

 

Devant l’Orangerie, une belle fontaine, « attribuée à Jean Goujon ». Le puits du XVe est surmonté d’un aigle tenant un boudin de pierre, armes des Coligny et d’une pierre taillée en diamant représentant la flotte. Pour atteindre la 2e terrasse, nous empruntons l’escalier dit « de Condé ». Autrefois à ciel ouvert, une de ses marches porte l’empreinte d’un fer à cheval. Il s’agirait du cheval du Grand Condé, réfugié au château en 1652, pendant la Fronde. Rappelons que le tombeau des Condé est à Vallery, dans l’Yonne, près de Voulx.

La 3e terrasse nous offre une belle vue sur la campagne. Passage sous un porche de pierre pour monter vers le donjon. Il s’élève au cœur d’une vaste étendue gazonnée et est flanqué de 2 ailes de l’ancien château. Construit en 1190 par Etienne 1er de Champagne, il mesure 26 mètres de haut sur 15,50m de diamètre. Il était autrefois surmonté d’une flèche de bois aussi haute qui fut détruite par la foudre en 1786. Il servait à la fois de logis seigneurial et de défense. A quelques mètres, la tombe de l’Amiral, simple plaque entre 2 colonnes, inspirée des portes des morts de Bretagne, sa seconde épouse, Jacqueline d’Entremont étant bretonne. Sa mort fut suivie du massacre de la Saint Barthélémy. D’après les plus récentes études historiques, ce projet était celui d’une bande de fanatiques partisans des Guise et non celui de la Reine Catherine. Avec l’aide de son Chancelier, Michel de l’Hospital, elle souhaitait créer une église gallicane réformée et, dans ce dessein, avait négocié avec Jeanne d’Albret le mariage de sa fille Marguerite, la future Reine Margot, avec le futur Henri IV, son fils. Du reste, les Guise ne voulaient pas d’un grand massacre mais seulement l’élimination des chefs protestants et surtout de Coligny qu’ils accusaient du meurtre de leur père, François de Guise. Ils ont été débordés et le massacre a fait de 20 à 25000 victimes

Quant aux restes de l’Amiral, ils firent une macabre épopée. Le corps fut jeté par une fenêtre, décapité (on aurait retrouvé la tête à Bruxelles, chez le Duc d’Albe), plongé dans la Seine puis repêché pour être pendu au gibet de Montfaucon et enfin brûlé. François de Montmorency recueille ce qui en subsiste, le ramène à Chantilly puis à Châtillon où les restes sont cachés près du donjon. Au XVIIIe un seigneur de Montmorency Luxembourg reçoit un étrange message d’un seigneur Montesquiou de Maupertuis, voisin de Châtillon « on a retrouvé un coffre dans le donjon ! » Pas de trésor mais…….. les restes de l’Amiral. On les enterre dans un tombeau à Maupertuis jusqu’à la révolution. Puis le coffre se retrouve dans la bibliothèque de Montesquiou…. Et de nouveau à Châtillon. A la fin du XIXe un pasteur voulut le transférer sous le monument de la rue de Rivoli, à Paris. En définitive, le tombeau actuel est édifié au début XXe, grâce à une souscription publique de la noblesse des Pays-Bas. L’Amiral de Coligny est en effet l’ancêtre de la dynastie des Pays-Bas par le mariage de Louise de Coligny, sa fille avec Guillaume d’Orange, dit le Taciturne. Une phrase du testament de l’Amiral est gravée sur la stèle, la même que celle qui figure sur le monument de Paris. 

Nous terminons la visite en redescendant vers la ville. Nous passons près d’un pavillon en ruines, bâti sur un mur de l’ancien château. Il servait d’abri aux dames qui venaient jouer au croquet.

 

 

En ville, nous empruntons la rue du Paradis, puis la rue de l’Enfer. Là se dresse une belle demeure, lieu de réunion des protestants, l’Enfer étant la maison de la Prévôté (XVIe) à côté de laquelle se situait la prison.

 

Plus loin, un beau bâtiment du XVIe servait à entreposer le sel.

L’église Saint Pierre Saint Paul a été construite par Gaspard 1er. Elle abrite un tableau de Claude Vignon, un protestant du XVIIe, représentant la Résurrection. Dans la même rue, la Maison Colette. Elle appartenait à son demi-frère, le docteur Achille Robineau qui hébergea la famille. Colette se maria à Châtillon, le 15 mai 1893 avec Henri Gauthier Villars dit Willy. Ses parents sont enterrés au cimetière de Châtillon.

Promenade en ville

Nous arrivons au musée auquel donne accès une belle porte romane (celle de l’ancien Hôtel Dieu). Le musée compte 3 parties :

- Les salles d’archéologie contenant les trésors retrouvés dans plusieurs sites de la région : statues, bijoux, monnaies, outils etc ….

- -Les salles consacrées aux familles de Coligny et Montmorency-Luxembourg : tableaux, documents, gravures et la magnifique table des Connétables de Montmorency ornée des portraits de la famille.

- La grande salle évoquant la remarquable famille Becquerel, 4 générations de savants chimistes et physiciens dont le Prix Nobel, Henry Becquerel, qui découvrit la radioactivité. On s’amuse à découvrir toutes les propriétés fantaisistes que l’on attribuait au radium !

 

 

Sur le chemin du retour, dans le crépuscule qui tombe, nous pouvons distinguer à Montbouy un amphithéâtre romain et le Sanctuaire des Sources ainsi que le buste de Mac-Mahon, à Montcresson.

Une sortie qui nous a donné une magistrale leçon d’Histoire. !