UNE SUPERBE DECOUVERTE

Une lettre inédite de Chapu appartenant à une collection privée vient de nous être communiquée :

 

Elle est adressée à celle qui deviendra sa femme quelques années plus tard, Marie Cozette de Rubempré ; avec beaucoup de tendresse Chapu aime appeler Marie « Franchette » , ceci en relation avec les promenades en forêt de « Franchard et Franchette » lors de séjours à Fontainebleau. Cette lettre a été écrite au cours d’un voyage que Chapu a entrepris à Nohant à l’invitation de George Sand, en effet l’écrivain réunissait alors dans ses dîners de Nohant des artistes et des amis. Ce fut pour Chapu l’occasion de rencontrer…. Vitet, membre de la commission des Monuments Historiques et que G. Sand avait convié à sa table ; Chapu réalisera son buste ( cf. Musée H.Chapu, Le Mée-sur-Seine).

 

Comme toujours dans ses lettres, Chapu parle de son travail, raconte ses journées à Marie et cela va du simple menu du soir à des considérations philosophiques sur le travail du sculpteur …

 

* 4 feuillets in octavo, plume et encre brune et crayon sur papier vergé.


....... en voici le contenu :

 

 Nohant le 1er avril, 10 heures du soir

 

Ma Chère Marie,

 

Je t’écris, ce soir, assis devant la fenêtre de ma chambre de Nohant avant de me coucher comme l’ont déjà fait tous les invités. J’ai entr’ouvert ma fenêtre malgré la fraîcheur de la nuit car il y a les parfums des champs et d’arbres en fleurs qui montent jusqu’ici. Je vais essayer de te raconter ma journée qui fut bien longue. Mais sois tranquille, je ne me sens pas fatigué, ce doit être l’air de la campagne.

 

Les invités : Tourgueniev et Pauline Viardot, d’autres amis et M. Vitet en voyage dans le Berry pour un rapport sur la cathédrale de Bourges. Te rends-tu compte ? Là , mon modèle , sous les yeux ....je crois que demain il me permettra la réalisation de quelques croquis.

Nous nous étions tous retrouvés à Chateauroux d’où la diligence nous conduisit à Nohant ; au bout de trois heures de route, nous étions enfin rendus, il faisait déjà nuit ; les domestiques nous attendaient au portail, emportant ensuite nos bagages à l’aide de brouettes et nous montrant le chemin à travers le jardin avec une petite lanterne.

 

Le dîner était charmant avec de la jolie vaisselle toute simple provenant de la fabrique de Montereau, au décor tout à fait champêtre avec des petits bouquets de fraises, des verres bleus comme le lustre au-dessus des convives. Les paysannes s’affairaient à la cuisine et le menu n’en fut que plus délicieux avec des provisions du village, en voici la composition : « fromentée au blé», c’est un peu une préparation berrichonne que nous avons beaucoup appréciée après notre voyage, poulet rôti à la broche provenant de la ferme voisine et gâteau de Gannat, c’est un bon gros gâteau campagnard qui m’a rappelé les gâteaux de Madame Lantier lorsque ma mère et moi allons lui rendre visite au Mée.

 

Je me demandais bien comment madame Sand allait être avec moi, comment elle me considérerait, moi un sculpteur comme son ex-gendre Clésinger, dont elle n’appréciait pas la conduite avec sa fille ! (Elle n’a cependant pas ôté le buste qu’il a réalisé et qui est placé dans une niche de l’escalier, une fort belle tête d’ailleurs).Et bien, elle a été tout à fait aimable et d’une grande simplicité.

 

Ah , tu vas encore me questionner : comment sont les dames ici ?? Jalouse que tu es ma Franchette ! Sois tranquille ! Les paysannes qui viennent au château sont de braves filles de fermes un peu rougeaudes, alourdies par des maternités précoces et qui sont allées aux champs avant de venir aider à la cuisine. Quant aux invitées - il y en a peu- elles sont bien plus âgées que toi et aucune n’a ton adorable port de tête ! Là, te voilà rassurée ?

 

Ah cette campagne ! Tu vois… Vivre entre champs et bois, entendre les oiseaux tous les matins chanter leur ritournelle, se promener sur des chemins qui sentent bon l’herbe nouvelle... Tout cela serait mon rêve, mais voilà, tu as des idées de grand monde, et si je suis ici c’est pour pouvoir t’offrir la petite commode en bois de rose qui te fais tant envie pour ton salon ; tu sais très bien que les bustes sont nos « sources alimentaires » qui te permettent toutes ces folies !

 

Je reprends ma lettre ce matin, je suis seul à la cuisine (Madame Sand écrit très tard et donc le matin on ne l’attend jamais) attablé devant un grand bol de lait frais, des tartines de pain tout chaud encore et des confitures que la maîtresse de maison fait elle-même avec le plus grand soin, voila qui me rappelle aussi les confitures que Jeanne a fait l’année dernière avec des prunes du Mée pendant que tu te promenais dans ta chère forêt .

 

Quelqu’un va emporter ma lettre à la ville pour qu’elle t’arrive plus rapidement, et je suis alors obligé de la terminer bien vite,

 

Ma chère petite, porte toi bien, à mercredi,

Henri qui t ‘embrasse tendrement.

 

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