Lundi 6 juin 2016

LA MALMAISON

Les textes sont de Dany AUBRY.

 

Les photos sont de Dany AUBRY et de François COLOMBANI

 

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Ce n’est vraiment pas le bon jour pour partir en excursion : c’est lundi, du brouillard, des inondations … et des grèves ! Même à 7 heures du matin, les routes sont saturées. Notre chauffeur va devoir déployer toute son astuce pour amener les 39 Amis du Musée, juste à l’heure (10 heures) à Rueil Malmaison.

 

LE MUSEE - Ancien hôtel de ville

Une petite arche et nous voici place de l’Eglise. Une messe d’enterrement nous empêche de commencer par sa visite. Nous allons donc jusqu’à l’ancien Hôtel de Ville, devenu Musée. Rueil fait partie du réseau des « Villes Impériales ». Cet Hôtel de Ville a été offert par Napoléon III. Le blason, sur la façade, au- dessus de l’aigle impérial est orné d’un N, surmonté d’une étoile, de la silhouette du château et d’une fleur d’hortensia, souvenir de la reine Hortense, sa mère.

 

Un autre grand personnage marqué l’histoire de Rueil : Richelieu. Il y possédait un grand domaine dont il ne reste que la maison dite « du Père Joseph ». De l’époque Louis XIII reste l’une des seules casernes de gardes-suisses encore debout. Ces gardes, recrutés pour la protection de la famille royale venaient avec leur famille qui fournissait donc de la main d’œuvre, d’abord dans les champs puis dans les industries. Notamment dans la blanchisserie : on lavait à Rueil le linge des parisiens. Il subsiste encore des séchoirs, avec leurs ouvertures à lattes de bois. Rueil est aussi connus pour ses  imprimeries de cartes postales. Nous entrons dans l’Hôtel de Ville devenu musée d’histoire locale. Deux guides nous prennent en charge pour la journée.

 

 Au premier étage, une étonnante découverte : une momie égyptienne… dont l’histoire est plus étonnante encore. Trouvée dans une décharge par des employés de la voirie au début des années 2000, soumise à expertise, elle s’est révélée être la momie d’une fillette d’environ 5 ans, « Ta-Iset » de l’époque des Ptolémées. En bon état et soigneusement momifiées (sauf le visage) l’enveloppe extérieure a gardé ses ornements et ses couleurs. Dans une vitrine voisine, la boîte ou elle reposait, avec une tête sculptée. On pense qu’elle a été rapportée d’Egypte lors de la campagne napoléonienne par quelque grognard.

 

Au rez-de-chaussée,  plusieurs salles évoquent l’histoire de la ville. Elle s’appelait autrefois Ruel, le » I » ayant été ajouté dans les années 1920. Richelieu y avait fait construire un superbe château. L’architecte, Jacques Lemercier, auteur également de la Sorbonne, le Palais Royal (Palais Cardinal à l’époque) et le château de Richelieu en Indre-et-Loire. Mal entretenu, les bombardements de la guerre de 1870 (violents dans la région) ont fini de le ruiner. Seule a subsisté la maison de son « éminence grise », le Père Joseph Le Clerc du Tremblay qui y est mort en 1638. Plus tard, au moment de la Fronde,  le jeune Louis XIV trouve refuge à Ruel.

 

Le musée recèle de nombreux documents sur la ville au cours des siècles. De l’époque napoléonienne, en particulier une photo du monument à la Reine Hortense élevé à Arenberg, sa dernière résidence, par Napoléon III. Ce monument devait figurer dans l’église de Rueil mais on en a posé un autre, plus chargé. Dans une petite salle, le fauteuil de Napoléon III. Sur le dossier la date du plébiscite de 1851 le nommant Empereur.

L'EGLISE

Nous quittons le musée pour rejoindre l’église, sur une jolie place plantée d’arbres, ornée d’un bassin avec jet d’eau. Dédiée à Saint Pierre et Saint Paul, elle a dû être précédée d’une autre église datant du IXe siècle. Elle en garde son clocher roman. Rebâtie au XVIe siècle durant la Contre-Réforme, sa façade  de style classique est due à Jacques Lemercier. Lacroix, architecte de Napoléon III l’a restaurée. L’intérieur est Renaissance. A droite du chœur, le tombeau de marbre blanc de Joséphine. Elle est représentée agenouillée, dans la posture du sacre, avec l’inscription « A Joséphine, Eugène et Hortense, 1825 ». A gauche, le cénotaphe « A la Reine Hortense, son fils Napoléon III ». La reine est à genoux devant une couronne et une lyre, un ange au-dessus d’elle. Hortense était très musicienne et a composé l’hymne « en revenant de Syrie » devenu l’hymne du Second Empire. Le corps d’Hortense, morte à Arenberg en 1837, repose dans la crypte. C’est Napoléon III qui a fait revenir à Rueil les corps de sa grand-mère, de sa mère et d’un oncle Tascher de la Pagerie.

 

L’autel est orné d’un beau bas-relief doré sculpté par Auguier. Le buffet d’orgues est une magnifique œuvre florentine du XVe, don de Napoléon III.

LA PETITE MALMAISON

 

Nous retrouvons notre car qui nous emmène jusqu’à l’entrée du parc de la « Petite Malmaison », autrefois serre chaude de Joséphine. Un petit ruisseau traverse le parc. On pouvait venir du château, en bateau et Joséphine y venait souvent. Elle était férue de botanique. Son domaine comprenait un immense terrain, de Rueil à Bougival, soit 730ha. On y trouvait une bergerie de 1200 mérinos, 6 vaches suisses qui fournissaient en lait, beurre et fromage le château, 2 bergers du Tyrol, des poneys d’Ouessant, des biches …. On lui offrait des animaux et même une femelle orang-outang apprivoisée.

 

A travers les arbres, nous apercevons une longue façade blanche, coupée d’une rotonde. Depuis cette serre, on pouvait voir le début de l’aqueduc de Marly. C’était la fierté de Joséphine. Elle fit bâtir cet élégant édifice en 1805. A l’époque il était couvert d’une grande surface vitrée et chauffé par 12 poëles, installés au-dessous. Joséphine y avait fait planter toutes sortes de végétaux et fleurs exotiques. Lorsqu’elle meurt en 1814, ses enfants hériteront du domaine. Mais la serre n’est plus entretenue, les poteaux de bois cèdent, les vitres se cassent. Le bâtiment est vendu, la serre abattue par l’acheteur, le banquier suédois Hagerman qui aménage les lieux en 1827.1828. La façade arrière donne sur des parterres de roses. Joséphine avait une belle collection de roses, dont des rosiers remontants. Elle faisait cultiver aussi des hydrangeas, que l’on nommera « hortensias » en l’honneur de sa fille Hortense, des cactus, des pélargoniums odorants. Devant un petit bassin sur lequel est agenouillée une nymphe, rempli de nénuphars … et de crapauds qui coassent à qui mieux mieux (c’est la saison des amours) sous les yeux mi-clos d’un gros chat noir qui fait la sieste sur une table, à côté !

 

Un escalier nous mène dans un petit salon en rotonde. De l’époque de Joséphine restent deux magnifiques colonnes en marbre polychrome, une mosaïque représentant une branche de fleurs grise et blanche et un parquet marqueté en citronnier, œuvre de Jacob Desmalter. Nous sommes accueillis par le propriétaire actuel, le Comte Czarnecki dont la famille possède le château depuis 1949.

 

Dans les pièces, du mobilier Empire, des tableaux évoquant les campagnes de Napoléon 1er, de belles cheminées de marbre, portant des bustes de Joséphine, Eugène et Hortense. Une galerie, qui était la serre tempérée avec un éclairage zénithal, ornée de copies de la frise du Parthénon, sert de salle de musique : Teresa Berganza y donne des Master Class.

 

GRAND CHATEAU de la MALMAISON

 

Voici  venue l’heure du déjeuner, dans une brasserie que Martine Mordant nous a déniché. Un bon repas nous met en forme pour l’après-midi, consacré au grand château de la Malmaison. Au bout d’une allée de rosiers et de topiaires, on aperçoit sa silhouette sobre…. En partie cachée par des travaux de restauration. Derrière un beau cèdre dit « de Marengo », planté en 1800 en l’honneur de la victoire de Bonaparte.

 

Cette jolie demeure date du XVIIe. Son charme séduit Joséphine alors qu’elle fait un séjour à Croissy, chez Barras dont elle est la maîtresse. Elle va s’en souvenir plus tard, devenue Mme Bonaparte. A son retour d’Egypte, son époux cherche une « campagne ». C’est elle qui signe l’achat en avril 1799…. Et c’est lui qui paie en octobre. En 1800, ils font réaliser des travaux intérieurs par les architectes Percier et Fontaine, poser des contreforts de chaque côté de l’entrée, aménagée comme une tente « retour d’Egypte ». Devenu Premier Consul Bonaparte y fait de fréquents séjours. Il y vient moins souvent après 1803.1804. Au moment de leur divorce, il offre le domaine à Joséphine, avec le Palais de l’Elysée et le Château de Navarre, près d’Evreux. Il la fait  Duchesse de Navarre. Elle disparait en 1814, après avoir pris froid chez sa fille. Ses enfants, Eugène et Hortense héritent de la Malmaison. Eugène disparait à son tour en 1824. Son épouse, Auguste Amélie de Bavière vend la propriété, déjà morcelée.

 

Divers propriétaires s’y succèdent, dont la reine Marie Christine d’Espagne en exil. En 1861 Napoléon III la rachète. Il veut en faire un musée. Il n’aura pas le temps d’achever son œuvre. Le château est très endommagé durant la guerre de 1870. Il est occupé par des soldats prussiens puis par des pontonniers français. C’est une nouvelle succession de propriétaires qui vendent par parcelles, lotissent. Le domaine est réduit actuellement à 6 hectares. Le dernier propriétaire, Daniel Effla dit Osiris restaure le château et le donne à l’Etat en 1904. Il devient Musée National. Les restaurations visent à lui rendre l’aspect qu’il avait sous le Consulat, en grande partie dû à Joséphine qui en était « la Reine ».

 

L’entrée est décorée dans le style pompéien, en vogue à l’époque, avec colonnes de stuc. Joséphine y avait fait mettre ses cages à oiseaux. Y figurent les bustes de Joseph et Louis, les frères de Napoléon, ainsi que ceux de leurs parents. Deux amours en marbre, l’un venant du salon de la serre, l’autre du petit Temple de l’Amour, édifié dans le par cet qui existe encore dans une propriété privée. Un énorme billard en acajou occupe un salon « vert Empire » aux portes couleur « sable d’Egypte ». L’antichambre est tapissée des portraits des Cheikhs ralliés à Bonaparte. Dans le salon de compagnie ou salon doré, un tableau peint sous le Second Empire, représente la famille Beauharnais : Joséphine, ses enfants et petits-enfants, en compagnie du Tsar Alexandre 1er. C’est en se promenant avec ce dernier au château de Saint Leu  que Joséphine prit froid. La cheminée, autrefois incrustée de pierres semi-précieuses, est un cadeau du Pape. On y voit aussi le métier à broder de Joséphine et son chiffre, le J. Le salon de musique, où demeure sa harpe ornée d’un aigle, lui servait de galerie d’œuvres d’art. Il était complété par une autre pièce et un théâtre. Une porte donnait sur une chapelle où figurait le devant d’autel que nous avons vu dans l’église. La salle à manger offre un décor pompéien dionysiaque où dansent des bacchantes.

 

Dans la Salle du Conseil, Bonaparte y a tenu 169 conseils. C’est une « tente » militaire en coutil rayé, meublée de fauteuils curules rouge vif et vert. La bibliothèque, avec ses colonnes d’acajou et son plafond peint en arcades, est due à Jacob Desmalter. Le bureau est celui de Napoléon au Tuileries. De cette pièce, un escalier dérobé lui permettait de rejoindre sa chambre et il pouvait s’évader dans le jardin par une porte et un petit pont.

 

Au premier étage, le salon de famille avec des portraits de Joséphine en Impératrice ou en Reine d’Italie, en compagnie de ceux de Pauline Bonaparte (Maréchale Leclerc puis Princesse Borghese) et Hortense. La chambre de l’Empereur rutile de casimir jaune et d’un superbe guéridon de porphyre rouge. Chaque pièce comporte une très belle pendule aux thèmes divers : Athéna sur son char, « l’oubli du temps », Jason et la Tison d’or, Vénus etc…

 

Dans la Salle des Trésors, un magnifique guéridon et bronze et d’or, orné des portraits de Napoléon et de ses généraux, en porcelaine de Sèvres, commémore la victoire d’Austerlitz. Conservé dans la famille Ney, il a été offert au musée en 1929. Commandé en 1806 mais…. terminé en 1810 alors que Napoléon venait d’épouser la fille du vaincu de 1805 ! Le grand tableau de Napoléon passant les Alpes sur son cheval cabré occupe un mur entier. Il en existe 5 exemplaires…. propagande ? Au bas du tableau, 3 inscriptions : Bonaparte, Karolus Magnus, Hannibal.

 

Belle surprise : la salle de la frise. Cette frise, d’inspiration romaine, ornait une pièce de l’Hôtel de Joséphine, rue de la Victoire (disparue) offerte par Marie Bonaparte.

 

Deux pièces émouvantes : la chambre d’apparat de Joséphine, aux tentures rouge et or. Le lit est celui où elle est morte le 29 mai 1814. Dans une vitrine, le nécessaire de toilette offert par Napoléon. Près de la cheminée, deux fauteuils « Paumier », avec un accoudoir plus bas que l’autre pour profiter de la chaleur de l’âtre. Et la chambre ordinaire, beaucoup plus simple, aux tentures crème, où elle dormait. Suit son boudoir qui contient un meuble curieux : un serre-papier en acajou et un joli tableau représentant le Temple d’l’Amour devant lequel se tiennent Joséphine, sa fille et ses belles-sœurs.

 

Il nous reste un peu de temps pour une promenade dans le jardin. La roseraie a été refaite en 2014, mais plutôt sur un modèle de la fin XIXe. De grands massifs de fleurs. La rose est devenue très à la mode au XVIIIe. Joséphine en possédait plus de 3000 pieds. Bonaparte quittait souvent la bibliothèque par la petite porte que nous avons vue, gagnait le jardin par le pont de bois et marchait le long de l’allée en écoutant les cloches de l’église qui lui rappelaient celles qu’il entendait pendant son enfance, en Corse.

 

Il est l’heure de quitter ce petit paradis pour reprendre la route.
Jolie visite qui nous a permis de rentrer un peu plus dans l’intimité d’un couple célèbre à une époque heureuse de leur vie. Une évocation pour nous ces ombres disparues. Celle, légère et chaleureuse de Joséphine, son chagrin certainement sincère lors du divorce imposé  par Napoléon, poussé par la nécessité d’avoir un héritier de son sang. Celle douce et gracieuse de sa fille Hortense, douée pour le bonheur et qu’un mariage avec le lugubre Louis Bonaparte a rendue si malheureuse. Celle, plus lourde, de Napoléon qui, toujours fasciné par sa Belle Créole, continuait à venir lui rendre visite, même en cachette de Marie-Louise.

 

Et toutes celles de leurs hôtes du Consulat, encore jeunes, entre les horreurs de la Révolution et les violences des guerres, qui y ont trouvé délassement et plaisir avant la raideur de la Cour Impériale.

 

Belle conclusion à notre saison 2015.2016. A l’année prochaine !