Le jeudi 10 mars 2016
LA VALLEE AUX LOUPS
Chez chateaubriand
Les textes sont de Dany AUBRY.
Les photos sont de Dany AUBRY, François Colombani et des Amis du Musée.
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Chateaubriand « l’Enchanteur » a du exercer son charme sur les Amis du Musée ! C’est un car complet qui part découvrir sa maison « la Vallée aux Loups » près de Châtenay-Malabry, sous la conduite d’Annie Marceau, organisatrice de la visite.
Le car nous dépose un peu loin de l’entrée, ce qui nous permet une promenade dans le grand parc. Le temps est un peu gris et il manque encore des feuilles aux arbres. Le long du chemin nous pouvons nous inspirer des pensées de notre hôte.
. Mais devant les bâtiments, les camélias blancs et roses, et un magnolia en fleurs adoucissent la sévérité du décor. Un moment d’attente nous donne l’occasion de constater que deux constructions en briques et pierres, dont l’une flanquée d’une tonnelle encadrent une plus basse et plus élégante, crépie de rose
Visite de la maison
Deux groupes visiteront en alternance la maison et le parc.
Nous commençons par une vidéo évoquant la vie de Chateaubriand, né à St Malo en 1768. Dixième enfant d’une famille d’armateurs, mort à Paris en 1848. De 1807 à 1817 il va passer ces quelques années à la Vallée aux Loups. C’est là qu’il va écrire les Martyrs, le Voyage en Orient et le début des Mémoires d’Outre-Tombe.
Ensuite, nous rencontrons notre guide, un monsieur chaleureux et passionnant qui va nous citer, de mémoire, des pages entières de l’ancien maître des lieux et faire revivre pour nous sa présence dans cette « maison de jardinier » qu’il transformera en chartreuse romantique. Il ne reste malheureusement que peu de traces matérielles du passage de l’écrivain dans son ermitage. Il dut le vendre et il n’a pas eu de pieux descendants prêts à le récupérer.
Quel séducteur… il a eu une trentaine de maîtresses, mais pas d’enfant. Il eut des frères et sœurs, dont l’une Lucile, lui fut très proche. L’aîné, Jean-Baptiste, fut guillotiné à la révolution. Son fils ainé, Christian est devenu jésuite. Le second, Louis, eut un fils, Geoffroy, qui restaura le Château familial de Combourg. C’est de sa fille Sybille que descendent les actuels propriétaires du château, les La Tour du Pin.
L’idylle entre Chateaubriand et la Vallée aux Loups commence en 1807. Il publie cette année-là, dans le Mercure de France, un article très critique à l’égard de l’Empire dont il s’était déjà détourné depuis l’assassinat du duc d’Enghien en 1804. L’article déplut à Napoléon Ier, on s’en doute.
Exila-t-il l’auteur, comme celui-ci le dira ? Aucun ordre de ce genre n’a été émis. Chateaubriand fut cependant prié de s’éloigner de Paris. Du reste, il avait déjà le projet de s’éloigner de la capitale pour travailler au calme. La « maison du jardinier » qu’il achète a été édifiée par un brasseur parisien, Antoine Arnaud. Construite en briques, elle est exposée plein sud et ses pièces sont disposées en enfilade. C’est une vraie maison de campagne avec potager et basse-cour. Vendue en 1793, elle passe par divers propriétaires mais reste inoccupée pendant 14 ans. Chateaubriand y fait réaliser, ainsi que dans le parc, de nombreux travaux.
En quittant l’accueil, nous pénétrons dans l’entrée, d’où part, installé par Chateaubriand, un extraordinaire escalier de bois à double révolution provenant d’un bateau anglais de Saint Malo. Pour l’écrivain, la maison doit évoquer ses voyages, et surtout la mer, sa « vieille maîtresse ». Des gradins de pierre ont été aménagés sous l’escalier pour y recevoir des plantes… « faire entrer la nature. »
Derrière nous, c’est le porche, voulu par Chateaubriand pour rappeler ce qu’il a vu en Grèce : un portique avec deux colonnes de marbre noir et deux cariatides de marbre blanc, que nous ne verrons hélas pas. Elles sont emmitouflées par peur du gel :
La pièce qui suit était la salle à manger au temps de Chateaubriand. Il adorait recevoir. Par exemple, le 4 octobre de chaque année, lui et son épouse Céleste donnaient une grande réception pour célébrer l’entrée de l’écrivain à Jérusalem. Il avait entrepris ce voyage en Orient pour chercher des images pour « les Martyrs » Il le racontera en 1811 dans son itinéraire de Paris à Jérusalem. Le 4 octobre, c’est aussi la Saint François d’Assise, son patron, comme lui amoureux de la nature.
La maison est vendue en 1818 à Mathieu de Montmorency, qui modifie la disposition des pièces et ajoute une aile gothique. La tonnelle sera due à son petit-fils Sosthène de la Rochefoucauld.
La pièce où nous entrons a donc été transformée en un salon magnifiquement tapissé d’indiennes très colorées, avec un mobilier Charles X en érable, citronnier et amarante. Au mur, un portrait de la Duchesse de Berry (épouse du second fils de Charles X qui fut assassiné, et mère de « l’enfant du miracle », le duc de Bordeaux né 7 mois après la mort de son père) qui fut une des « belles dames » de l’écrivain.
La pièce suivante, un petit salon bleu, nous réserve la surprise d’une autre belle dame célèbre : une copie du tableau de David, représentant Juliette Récamier, avec qui Chateaubriand eut une liaison à partir de 1817 qui dura jusqu’à sa mort. Au-dessous la méridienne de l’atelier où posa le modèle.
A cet endroit se trouvait la cuisine. Madame de Chateaubriand raconte dans ses cahiers rouge et vert, que leur cuisinier, Ménil, devait « fêter la St Bacchus » avant de cuisiner correctement.
Elle l’appelait « notre frise Poulet » !
Sur les murs d’une petite antichambre, un beau papier peint d’époque, dont il n’en restait qu’un petit fragment. Lorsque la restauration de la maison a été entreprise par le département des Hauts de Seine, on en a retrouvé un lé entier au Musée des Arts Décoratifs, le fabricant Braquenier a pu le recopier. La pièce contient également un grand tableau représentant les funérailles d’Atala. L’occasion pour notre guide de nous rappeler que les voyages de Châteaubriant ont nourri son œuvre : l’Amérique, l’Orient, en particulier.
Parallèlement, Chateaubriand, a mené une carrière politique un peu chaotique, il faut bien le dire, sous l’Empire. Il fut premier secrétaire de la légation de Rome auprès du Cardinal Fesch oncle de Napoléon avec qui cela ne s’est pas très bien passé. Puis Ministre auprès de la République Suisse du Valais. Mais il démissionne après l’exécution du duc d’Enghien.
Sous la restauration, il va occuper plusieurs postes : Ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères, Ambassadeur à Londres, Rome et Berlin. Il ne se ralliera jamais à la monarchie de juillet après 1830.
Au premier étage, une salle est consacrée à la dernière acquisition du département : le « modello » un célèbre tableau d’Anne Louis Girodet, exposé au salon de peinture de Paris en 1810, sous le titre « portrait d’un homme méditant sur les ruines de Rome ». Il représente bien entendu, notre François René. C’est un avant- projet du tableau exécuté à St Malo en 1809. Ce portrait est très novateur, rien n’indique l’homme de lettres. Cependant, la main droite, celle qui écrit, est cachée… donc précieuse, Il est représenté en « contrapposto », cheveux au vent, devant les ruines du Mont Palatin… méditant… sur la chute des Empires ? Voilà qui n’a pas dût plaire à Napoléon… encore une fois !
En 1817, les difficultés financières obligent Chateaubriand à vendre son « ermitage ». Se succèdent les Montmorency, et les La Rochefoucauld qui agrandissent la propriété. Le dernier propriétaire privé sera le Docteur Le Savoureux, un psychiatre, qui transforma la propriété en maison de santé pour dépressifs. Il avait écrit une thèse intitulée « le spleen dans l’œuvre de Chateaubriand ». Son épouse, fille du révolutionnaire russe Plékhanov était diplômée de chimie. Tous deux créent un salon, fondent la Société Chateaubriand. Ils vont obtenir le classement de la propriété.
Pendant la guerre, ils y cacheront juifs et résistants. Ils ont su conserver précieusement ce décor romantique.
Nous continuons la visite par l’antichambre turque. Des tableaux évoquent d’autres œuvres : René, Les Martyrs, la légende de Vélléda, la druidesse bretonne aimée d’un chrétien qu’elle charme au son de sa harpe celtique… Mais chez Chateaubriand, les histoires d’amour finissent mal. Vélleda se tranchera la gorge avec sa serpe d’or… romantisme oblige.
Madame Récamier eut sa chambre dans la maison de son amant…mais à l’époque de Mathieu de Montmorency.
Elle transcrira les « Mémoires de ma vie » qui seront intégrés aux « Mémoires d’Outre-Tombe ». En 1838, François René s’installe à Paris, rue du Bac. Juliette habite l’Abbaye aux Bois. Tous les jours il va la voir. Elle devient aveugle. En 1848 lorsque Chateaubriand vit ses derniers mois, c’est elle qui se fait conduire auprès de lui.
Depuis les fenêtres du premier étage de la maison, une très belle vue sur le parc. Au temps de Chateaubriand, le parc s’étendait sur 7 hectares. Il voit sa vallée comme une chartreuse. Chacun de ses arbres lui rappelle les pays qu’il a visités et les personnages de ses romans. Il pense le parc comme une rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Monde, un aspect de la création telle qu’il la conçoit, vierge de toute corruption.
Nous terminons ce « voyage chez l’Enchanteur » par la bibliothèque. Créée entre 1985 et 1987, en bois d’érable pour s’assortir au reste de la maison. Elle compte plusieurs éditions des œuvres de Chateaubriand et des livres qu’il a lus et dont il a parlé.
Il nous reste assez de temps, pour un passage au salon de thé, ou une promenade parmi les pelouses et les arbres, si chers à notre écrivain. De ses plantations, il reste de magnifiques cèdres du Liban, de Louisiane ou de Virginie, des catalpas, quelques peupliers et cèdres, de gros massifs de rhododendrons… Et, caché, dans un coin, un petit pavillon hexagonal baptisé « Pavillon de Vélleda ». Une porte vitrée nous permet d’apercevoir la pièce lambrissée et tapissée de livres, avec au centre, le bureau où le Maître écrivit les Martyres, le Voyage en Orient et commença ses Mémoires.
Pour nous, le voyage dans l’univers romantique s’achève. Il nous en reste l’impression d’un beau rêve… et le désir de revenir quand feuilles et fleurs auront ajouté leur surplus de charme au décor