Samedi 9 et dimanche 10 avril 2016
Découverte du Cambrésis et de la Cathédrale de Laon
Les textes sont de Dany AUBRY.
Les photos sont de Dany AUBRY et des Amis du Musée.
Chaque image peut être agrandie en cliquant dessus.
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Samedi 9 avril
Réveil à l’aube pour notre week-end « dans le Nord ». Agréable surprise, la météo s’est trompée, le soleil est là ! Par contre, nous n’aurons pas notre « café-croissant » avant le Cateau-Cambrésis, prévue pour 10h … nous avons frôlé l’émeute ! Mais horaire oblige et notre Vice-Présidente, Jacqueline Bourgoin, qui dirige la troupe, reste inflexible.
CATEAU CAMBRESIS
Depuis un certain temps déjà, nous nous sommes rendu-compte que nous avions changé de région et que nous étions « dans le Nord », avec ses rangées de maisons de briques roses ou blanches.
Sur la grand-place du Cateau où le car nous dépose, se dresse, sous la protection de l’élégant beffroi de l’Hôtel de Ville, la statue du Maréchal Mortier, natif de la ville.
Face à nous, un beau palais de brique et pierre à l’architecture classique le Palais Fénelon qui abrite le Musée Matisse. Répartis en 2 groupes, nous partons à sa découverte.
Le musée était autrefois dans l’Hôtel de Ville. Sa création est due à Henri Matisse, enfant du pays. Sa maison natale se trouve à Bohain, à 15 km du Cateau.
Parti de la région à 20 ans, en 1889, il fera don à la ville, en 1952, de 2 tableaux, 5 sculptures et 40 dessins.
Le premier responsable du musée sera un pâtissier du Cateau, Matisse résidant alors à Nice où il mourra 2 ans plus tard.
Une seconde donation va enrichir les collections. Encore un enfant du pays, Auguste Herbin, peu connu en France mais considéré dans le reste de l’Europe comme le père fondateur de l’abstraction géométrique. Il offre plusieurs de ses œuvres.
Ce n’est pas un hasard si le Cateau compte deux grands artistes parmi ses natifs.
A la fin du XIXe siècle, la ville compte de nombreuses usines de tissages. On a besoin de créateurs de motifs et chaque village a son école de dessin. Pour les élèves les plus doués, elle offre des bourses pour l’Ecole des Beaux- Arts. Matisse et Herbin en ont fait partie.
En 1982, le Musée est transféré dans l’ancien palais des archevêques de Cambrai dont le plus célèbre fut François de Solignac de la Motte Fénelon, « le cygne de Cambrai », bien que sa construction ne fût entreprise qu’après son passage. Il aimait se promener dans les jardins à l’époque où il écrivait « les aventures de Télémaque ». Il fut le précepteur du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV et père de Louis XV. L’architecte Théodore Brongniart éleva le palais au XVIIIe siècle (Bourse de Paris).
En 1992, le département du Nord prend le musée en charge, procède à des achats d’œuvres et l’agrandit (2000 à 2002).
En 2000, troisième donation de la part de Tériade, éditeur de livres d’artistes et critique, d’origine grecque. Grand collectionneur, bénéficiaire de cadeaux des peintres dont il éditait les œuvres, il disparaît en 1983, sans enfant, et fait bénéficier le musée d’un legs magnifique. C’est ainsi que le musée peut proposer des œuvres sur 3000m2.
HERBIN
Nous voici devant un superbe vitrail multicolore représentant des figures géométriques. Le moment, pour notre guide, de nous présenter Auguste Herbin (1882-1960). Né à Quiévy de parents tisseurs, il fréquente l’école jusqu’à 12 ans. Muni de son certificat d’études, il passe 5 ans à l’école de dessin du Cateau. Très talentueux, il obtient une bourse pour l’Ecole des Beaux-Arts de Lille. Il est très attiré par la peinture moderne de son époque, l’Impressionnisme. Proche du communisme, il ne plaît guère à son professeur, Pharaon de Winter. Il quitte d’Ecole pour Paris où il est fasciné par les œuvres de Van Gogh, Cézanne… il suit Matisse et Picasso. Le Fauvisme lui révère la couleur. En 1907, il découvre le Cubisme avec Picasso et les formes géométriques. Il va essayer de tout concilier. Il sera à la fois futuriste, puriste, musicaliste … et se tourne vers l’abstraction à partir de 1908. Il va utiliser 5 formes géométriques simples et les 6 couleurs de l’arc-en-ciel (4 de chaque, soit 24 couleurs plus le blanc et le noir = 26 couleurs). Il faut dire que les inventions du XIXe sont catastrophiques pour les peintres : la photographie et le cinéma. « Privés » de la représentation de la nature, du portrait, du mouvement, de jeunes fous vont explorer les autres sens, ce que la photo ne peut rendre : l’invisible ! Les idées, la musique …. Ils inventent un alphabet plastique : chaque lettre est associée à une couleur, puis chaque forme à une note de musique. L’œuvre d’Art doit être totale pour Herbin. Ses œuvres vont trouver des applications : tissus, mosaïques, vitraux.
Celui qui est devant nos yeux a été dessiné pour une école maternelle et porte le titre de « La Joie ». Herbin, le communiste, voulait donner à son œuvre (en passant par l’abstraction et les formes géométriques) une dimension universelle, couleurs et formes parlant le même langage, exprimant les mêmes idées. Ses tableaux explosent de couleurs chatoyantes …. Mais il faut une explication pour chacun, leurs titres, Orphée, Charme, Gaieté, Synchronisme en noir, Napoléon … paraissant une énigme au non initié ! Notre guide ajoute que, bien que de tendance communiste, notre artiste n’en était pas moins imprégné du sentiment de sagesse divine omniprésente dans l’univers et dans son œuvre.
La France ne s’est pas beaucoup intéressée à lui. Il a mené une vie sage, éloigné des « peoples ». En Allemagne, terre de naissance du Bauhaus, il est reconnu comme un grand artiste.
TERIADE
Après cette belle découverte, nous nous dirigeons vers la collection Tériade. Cet éditeur de livres d’Art demandait aux artistes des textes calligraphiés pour accompagner leurs œuvres. Il a collectionné peintures, sculptures, céramiques. La salle où nous sommes présente les œuvres de Fernand Léger sur le Cirque, Chagall, Picasso. Ces deux derniers ont représenté leur vie privée dans leurs tableaux. Il paraît que les coloristes sont des optimistes qui peignent le jour, les dessinateurs des pessimistes qui travaillent la nuit. Le Picasso commenté par notre guide porte la date du 22 juillet 1969…. Le jour où le premier homme a marché sur la Lune. Il représente une femme dans les tons de gris et noir, un œil écarquillé : c’est Diane Violée.
Cliquez sur le lien ci-dessous pour visiter
La donation Alice Tériade au musée Matisse-Le-Cateau-Cambresis
http://www.maglm.fr/post/2008/01/26/la-donation-alice-teriade-au-musee-matisse/
L’œuvre de Chagall tranche avec cette vision dramatique. Chagall a eu une vie
difficile : il a dû émigrer aux USA (où il fut accueilli par Pierre Matisse), perdu sa femme, puis après avoir goûté quelques années de bonheur en France avec une jeune américaine qui lui a donné un fils, se retrouve seul. Pourtant son œuvre est colorée, pleine de fleurs, de fruits, d’oiseaux.
Tériade, Matisse et la Villa Natacha
Un peu plus loin, la salle à manger que Tériade avait fait aménager dans sa Villa Natacha, à Saint Jean Cap Ferrat, décorée par Matisse d’un superbe vitrail bleu, jaune, orangé, et d’un arbre qu’il a peint sur le mur blanc.
Voici une série de salle consacrée à Matisse qui est resté 8 ans aux Beaux-Arts. Puis, en 1898, il découvre la lumière pure du Sud de la France. Il épouse une jeune femme originaire de Toulouse, Amélie. Avec elle, il voyage pendant un an, admire les tableaux de Turner à Londres, passe 6 mois en Corse et 6 mois à Toulouse. Il met alors en pratique la méthode de Turner : s’éblouir avant de peindre, ce qui produit de somptueux halos que l’on peut voir en particulier dans les vitraux. Matisse disait « j’ai appris aux Beaux-Arts tout ce qu’il ne faut pas faire ». De 1905 à 1914, il est à Collioure où Maillol lui fait découvrir Gauguin. Le Fauvisme va naître, avec ses couleurs pures et ses formes simplifiées. Après la première guerre, il s’installe à Nice et entame une période de détente. Sa peinture s’assagit. Son sujet de prédilection : le Paradis qu’il recherche sur terre, dans tous les pays…. Il finira par le trouver, c’est l’Enfance. Pendant la deuxième guerre, il tombe gravement malade. Il ne peut peindre qu’assis ou couché. Chaque tableau doit être un chef-d’œuvre. Il y ajoute tissus et objets du monde, peints comme les peintres des autres pays. Puis il refait quelques œuvres, des découpages. Sa fille, Marguerite donne les titres. Il souhaite que tout le monde puisse avoir accès aux œuvres d’art et participe activement au livre « Jazz » que lui consacre Tériade.
Le musée possède environ 180 de ses peintures, gouaches, découpages, sculptures, dessins, tapisseries, tissus (dont des impressions sur lin…. ses parents étaient des ouvriers du lin). Une petite pièce montre, au plafond, les dessins qu’il avait faits de la tête de ses petits-enfants dans son appartement de Nice, à l’époque où il travaillait pour la Chapelle de Vence. Pour cette chapelle, il exécute un premier projet dans les tons de rouge, jugé trop coloré pour la lumière du midi. Le deuxième, aux reflets rosés ne conviendra pas mieux…. Mais le premier ne sera pas perdu !
Nous voici sortis de cette longue et belle visite et retrouvons notre car où une guide nous accompagne dans un tour de ville. Petit moment d’Histoire : rappel du traité de Cateau-Cambresis (1559) entre Henri II et Philippe II d’Espagne mettant fin aux guerres d’Italie et donnant à la France les Trois Evêchés (Metz, Toul et Verdun).
Actuellement petite cité de 7000 habitants, elle a abrité de nombreuses filatures (Seydoux) ainsi qu’une brasserie, l’Abbaye de Saint André, productrice de la bière Vivat depuis 1913. Nous passons devant la statue du Maréchal Mortier (1768-1835) qui servit Napoléon et fut victime de la machine infernale de Fieschi en voulant protéger le roi Louis-Philippe.
Nous arrivons devant l’école maternelle Henri Matisse devant laquelle se dresse le buste de l’artiste, dû à son fils Jean. Nous allons y retrouver la trace du 1er dessin du vitrail de Vence … En 1941, Matisse est malade à Nice. Il sympathise avec son infirmière de nuit, Monique Bourgeois, à qui il donne même des leçons de dessin. Il souhaite laisser une trace et lorsque celle-ci, devenue Sœur Dominicaine, lui demande de participer à la conception et à la décoration de la Chapelle du Rosaire, il accepte avec enthousiasme. Ce sera le 2e projet de vitrail qui ornera la Chapelle. Quant au premier projet, sollicité par le Conservateur du Musée de Cambrai, Ernest Gaillard, il décide d’en faire cadeau à sa ville pour la salle de jeu de l’école qui va porter son nom en 1955. Nous sommes devant ce magnifique mur de lumière, évocation de la « nouvelle Jérusalem », comme constellé de pierres précieuses. Les carrés de plusieurs tons de rouge, de bleu, de jaune, forment des fleurs dans un jardin, traversé par 2 courbes de carrés noir et blanc, figurant le fleuve de la vie. Ce vitrail fut baptisé « Vitrail des Abeilles » par Marguerite Matisse, la disposition des carrés noirs et blancs pouvant faire penser à ces insectes. Un enchantement pour les yeux !
CAUDRY
Nous voici repartis pour Caudry pour un déjeuner du terroir à « la Bascule ». Une halte bienvenue.
Le Musée des Dentelles et Broderies, installé dans un long bâtiment de brique aux larges ouvertures, est un ancien atelier de dentelle, fondé en 1898.
A l’entrée, un groupe sculpté représente un ouvrier « tulliste » instruisant un jeune garçon. Une vidéo nous retrace l’histoire de l’industrie dentellière à Caudry. Commencée au début du XIXe siècle avec l’arrivée des métiers anglais et notamment en 1839 du métier « Leavers ». A partir de 1880, elle connaît une grande expansion. La guerre de 14.18 va entraîner la destruction de quelques usines. La paix revenu, la Haute Couture permet un nouvel essor : la dentelle en grande largeur est à la mode. On organise des « Fêtes de la Dentelle ». Après la 2è guerre, on utilise des matières synthétiques. Les USA sont très demandeurs, jusqu’en 1960. On fabrique voilettes, mantilles, robes de mariée. On mélange avec des fils métalliques. A partir de 2000, c’est l’informatisation qui va permettre des mélanges de plusieurs sortes de dentelles. La Haute Couture reste encore une cliente, sans compter le théâtre et le cinéma pour les 7 entreprises encore en activité.
Nous voici devant un de ces énormes métiers « Leavers ». Une guide et un tulliste nous en expliquent le fonctionnement et nous en font la démonstration. Un peu compliqué ….. Mais le métier date de 1891, mesure 4m37 de long, contient 10 000 fils, 3096 chariots et bobines (chaque bobine compte 120m de fil). Il faut 2mois et demi pour préparer la machine qui travaille avec des cartons perforés, selon le motif dessiné auparavant. En entreprise, cela passe par un ordinateur et une disquette. On n’a pas réussi à fabriquer de nouveaux métiers, on a seulement amélioré le système. Ces machines sont conduites par un « tulliste » qui les règle, surveille le mouvement, répare les fils cassés (la machine s’arrête automatiquement). Pour la Haute Couture, on doit parfois procéder à un rebrodage. Caudry possède une école qui forme les tullistes. Il faut 5 ans d’études. La dentelle emploie environ 800 salariés. L’exposition temporaire « Générations Dentelles » qui présente une vingtaine de robes, plus somptueuses les unes que les autres, nous permet de voir l’évolution des styles de dentelle de 1920 à nos jours. Puis un tableau nous rappelle les magnifiques toilettes créées grâce à ce savoir-faire … et notamment la robe de mariée de Kate Middleton pour son mariage avec le prince William !
CAMBRAI
Quinze kilomètres de plus, et nous voilà à Cambrai, notre prochaine étape.
Sous la conduite de notre guide, nous entrons en ville par la Porte de Paris, porte-châtelet à 2 grosses tours, érigée en 1391 et où l’on voit encore la trace d’un pont-levis. Cambrai (Cameracum sous les romains) est située au carrefour des voies romaines menant à Bavay, Arras et Saint-Quentin. Elle connaît une apogée aux IVe et Ve siècles et est chef-lieu de la province de Nervie. Au VIe siècle, l’évêque Géry y fonde un diocèse qui deviendra archevêché. Après sa mort, son tombeau devient le centre d’un important pèlerinage, faisant de Cambrai une métropole religieuse. En 843, le traité de Verdun en fait une ville-frontière. En effet, l’Escaut forme la frontière entre la Francie et les 2 Germanies. La rive droite fait alors partie du Saint Empire, englobant le Cambrésis.
Les comtes-évêques sont maîtres d’une principauté ecclésiastique neutre. Cela favorise la prospérité de la ville. Au XIe siècle, elle se dote d’une enceinte fortifiée qui sera renforcée au XIVe. En 1543, pour défendre le Cambrésis contre les troupes françaises, Charles-Quint rase tout un quartier pour construire une citadelle. Cambrai se trouve annexée aux Pays-Bas espagnols.
Mais en 1677, Louis XIV et Vauban prennent Cambrai et le Cambrésis qu’ils conservent au traité de Nimègue.
A la Révolution, les biens religieux sont vendus. L’immense cathédrale médiévale, 12 églises et 30 établissements religieux sont rasés. A la fin du siècle, on démantèle les fortifications pour aménager de larges boulevards.
La Grande Guerre dévaste le centre-ville. Les allemands, avant de partir et ne voulant qu’une ville du Saint-Empire encore ornée de l’aigle bicéphale aille à la France incendient l’Hôtel de Ville et les maisons autour. Les canadiens éteignent le brasier. A nouveau occupée, bombardée, incendiée lors de la Seconde Guerre, elle est reconstruite. Elle est toujours le siège d’un archevêché.
Nous voici devant la Cathédrale. Après la Révolution, l’ancienne église abbatiale du Saint-Sépulcre est choisie (1804) pour remplacer la cathédrale détruite. Fondée au XIe, elle est reconstruite entre 1696 et 1702. Le XIXe ne lui ajoute que quelques chapelles. Sa façade est d’une architecture classique et sobre. L’intérieur présente la même sobriété, avec ses voûtes régulières. Les chapelles des bras du transept sont ornées de grandes grisailles en trompe-l’œil, exécutées en 1754 par un anversois, Martin Geeraerts. Au fond de l’une d’elles trône une icône de Notre-Dame de Grâce, rapportée d’Orient en 1452 par un moine. Installée dans l’ancien clocher, elle fut cachée pendant la Révolution, par un maçon.
Dans l’abside, le tombeau de Fénelon, en marbre rouge et blanc, sculpté par David d’Angers en 1826. Fénelon, premier archevêque français, précepteur des enfants royaux, bénéficiait d’un grand diocèse … et du beau surnom de « Cygne de Cambrai ». Il mourut en 1715, dans un accident de carrosse. Ses restes furent retrouvés après la Révolution, dans les ruines d’une église.
Face à la cathédrale, et contrastant avec elle, se dresse la Chapelle du Collège des Jésuites, terminée en 1692. Construite à l’époque de la Contre-Réforme, elle offre une riche façade baroque avec baies, pilastres, volutes, pots à feu, putti. Un haut-relief représente l’Assomption et, au-dessus de la porte, sont sculptées les armes du dernier archevêque flamand Van der Burch.
Plus loin, la « Maison Espagnole » à l’architecture flamande à pan de bois et pignon et dont les poutres sont sculptées de monstres et putti, abrite l’Office du Tourisme. Nous y retrouvons, bien sûr, la spécialité du pays, la bêtise de Cambrai. On raconte qu’elle est due à une erreur de cuisson d’un apprenti confiseur en 1850.
Il nous reste du temps pour un tour de ville, en commençant par la Porte de Paris, un des éléments des 4200m de fortifications élevées pendant la guerre de 100 ans. Il en reste d’autres vestiges : la Tour Saint Fiacre, la Porte d’eau des Arquets, munie d’un dispositif qui permettait d’inonder les fossés avec les eaux de l’Escaut. L’Escaut a été canalisé, reliant la Seine à la Mer du Nord par le canal de Saint-Quentin. Il fut inauguré en 1810 par Napoléon 1er et Marie-Louise. Nous passons devant l’Hôtel de Monaldi, érigé au XVIe et dont la dernière marquise, âgée de 84 ans, fut exécutée à la Révolution. Nous longeons l’ancien château fort des Comtes-Evêques, le Château de Selles. Utilisés comme prisons, les murs des sous-sols sont couverts de graffiti et dessins exécutés par les prisonniers pendant 500 ans.
Nous apercevons le beffroi élevé en 1474, nous passons près de la Porte Notre-Dame de style baroque, avec un appareil en pointe de diamant et un décor sculpté surmonté du soleil de Louis XIV.
Cambrai possède 22 ha de jardins publics : sur l’esplanade de la citadelle le jardin des fleurs, à la française, le jardin de Monstrelet et le jardin des Grottes, peuplés de sculptures. Le « Palais des Grottes », à l’architecture moderne, dessiné par …. Antoine, avant qu’il ne devienne chanteur. Un joli kiosque à musique rappelle les concerts publics de la fin XIXe. La citadelle a laissé une dernière porte : La Porte Royale, en grosses pierres à bossage, ornée d’un lion. Nous passons ensuite près de l’Hôtel de Ville de style néo-classique, édifié en 1786. Au sommet du campanile, deux jacquemarts Martin et Martine qui sonnent les cloches depuis 1512.
La journée s’achève. Direction les hôtels : le Béatus, au milieu d’un charmant jardin, très british et l’Hôtel du Mouton Blanc où nous dînerons également.
Cette première journée s’achève.
Dimanche 10 avril
Une brume de beau temps nous accueille au lever. Les valises chargées, le car nous dépose devant l’église Saint Géry.
Dans son état actuel, elle a été reconstruite dans un style classique entre 1698 et 1745 et dédiée à Saint Géry, évêque fondateur du diocèse. Sa façade à fronton est dominée par une tour de 76m. La nef, très sobre, est formée de coupoles ornées de nervures de pierre. Le chœur comporte un déambulatoire et des chapelles rayonnantes. Au bas de la nef, sous le buffet d’orgues, la présence surprenante d’un magnifique jubé à 4 colonnes de marbre rouge veiné de griset couronné de marbre noir. Au-dessus, huit panneaux sculptés en albâtre, séparés par des statues. Il était autrefois situé entre le chœur et la nef. La chaire a été édifiée entre 1845 et 1850 : c’est une œuvre superbe, avec double escalier sculpté de gerbes de blé et de grappes de raison, reposant sur les trois vertus. Au pied de chaque escalier, deux charmants angelots esquissent le signe de croix.
A la croisée du transept, un baldaquin soutenu par 4 colonnes de pierre bleue de Tournai. A gauche, la « Mise au tombeau » de Rubens. Dans le chœur, Un très bel ensemble de boiseries décorées de 20 médaillons en bois sculpté représentant les Saints. L’autel est une curieuse table circulaire de marbre rouge, posée sur un socle de marbre blanc. A droite, la statue de Saint Géry est du XVe siècle.
Nous quittons l’église pour rejoindre, à pied, le Musée. Une belle promenade dans les rues de la vieille ville, bordées de beaux hôtels particuliers de brique et pierre. Sur une place, les restes de l’ancien palais épiscopal : Le portail d’entrée à 3 arches sculptées, couronnées d’une galerie. Nous passons devant l’entrée du Lycée Fénelon…. Qui rappelle bien des souvenirs à Hélène et Claude Gabet qui y ont sévi dans leurs jeunes années ! Claude est le « régional de l’étape » !
Nous voici au Musée, installé dans l’Hôtel de Francqueville, bâti vers1720 et rénové en 1994. Racheté au XIXe par un industriel du textile qui l’offrit à la ville à la condition d’en faire une école ou un hospice. La mairie installa une école de dessin dans les jardins et ses collections dans le palais en 1894. Première restauration en 1921. La plus récente y a ajouté des bâtiments contemporains en béton, métal et verre où ont pris place l’accueil, les expositions temporaires, un atelier, un auditorium et 2 sous-sols supplémentaires pour les réserves. Une jeune guide, très érudite et pleine d’humour, nous conduit à travers les salles.
Tout d’abord, les peintres flamands du XVIIe. Une longue promenade devant les natures mortes, une de leurs spécialités. Beaucoup d’entre elles sont, en réalité, des tableaux religieux codés, le protestantisme interdisant à l’époque la représentation de scènes bibliques. C’est tout à fait passionnant de décrypter chaque détail, la signification d’un fruit, un légume, un insecte, un coquillage, un objet. Mais ces peintres ne se contentaient pas de ces œuvres très morales…. Un peu plus loin, nous nous arrêtons devant une scène de marché de Théodore Rombouts, en apparence facétieuse, entre un jeune couple et un marchand devant un étal de gibier et légumes … En réalité, sa signification est nettement plus coquine, voire même érotique. Je crois que nous ne pourrons plus passer devant un chou-fleur ou une botte d’asperges sans une forte envie de rire ! Redevenons sérieux ! Les flamands étaient aussi de remarquables portraitistes, révélateurs de la psychologie et de la position sociale de leur modèles.
La peinture française du XVIIIe est aussi à l’honneur avec des tableaux d’histoire, des portraits de Nattier et de curieuses scènes de sorcellerie, exécutées par un certain Antoine Saint Aubert, un peu las des scènes religieuses qu’il devait peindre pour le comte-archevêque.
Le XIXe a vu toutes sortes d’œuvres, des plus académiques aux plus audacieuses. Une Odalisque d’Ingres côtoie une copie en bronze de l’Abandon de Camille Claudel. Cette œuvre fit scandale : un homme à genoux devant une femme…… Deux charmants Copeaux : un pêcheur à la coquille et son pendant en jeune fille. Puis, deux sculptures, aussi belles qu’opposées dans leur conception : une femme au miroir avec sa servante noire, en marbre blanc, noir et rosé de Joseph Coulier et un Jean-Baptiste de Rodin, tout en mouvement et en énergie. Du XXe, une dame triste de Van Dongen et une femme énergique de Suzanne Valadon.
Quittant les Beaux-Arts, nous descendons le grand escalier, orné d’un grand tableau de paysans conduisant une charrette de légumes, peinture sociale. Au rez-de-chaussée, la « Caverne d’Ali Baba » où sont présentés, pour les enfants des écoles, les « trésors » du musée, accompagnés d’un goûter, très apprécié. Dans un salon aux belles boiseries, un piano à queue, proche à la fois du piano-forte et du piano moderne, sur lequel on donne des concerts. Quelques impressionnistes voisinent avec des œuvres beaucoup plus modernes d’Art Concret. Un projet de sculpture de Jeanclos de 1987 pour le portail de l’église Saint Ayoul de Provins.
Le musée est décidément inépuisable. Au sous-sol, dans des salles voûtées, quelques beaux spécimens d’archéologie : un sarcophage et des céramiques étrusques, une curieuse urne funéraire en verre, un trésor mérovingien découvert entre 1960 et 1980 dans une petite commune, les Rues des Vignes, un squelette avec des armes, des bijoux. Dans une autre salle, un impressionnant jubé sculpté en pierre bleue de Tournai. Il ornait la Chapelle Saint Julien, une table sculptée du mausolée de l’évêque Pierre d’Ailly (1420) et quelques superbes sculptures en albâtre, représentant la Vierge, les saints et des moines provenant de l’ancienne cathédrale. Dernier chef-d’œuvre : un char de procession du XVIIIe somptueusement décoré de volutes d’or sur fond bleu.Après cette matinée bien remplie, nous avons bien mérité un bon déjeuner. Il nous attend dans le parc du château de la Motte Fénelon, jolie demeure de style classique transformée en hôtel et chambres d’hôtes.
CATHEDRALE de LAON
Nous en repartons repus et reposés en direction de Laon. On aperçoit de loin cette colline isolée dominant la plaine d’une centaine de mètres d’où surgissent les 5 tours de la cathédrale.
Le car nous dépose sur une place, en face de la Porte d’Ardon (ou Porte Royée « du Roi »). Edifiée à la fin du XIIIe, à proximité du palais des rois carolingiens, elle présente une grande arcade flanquée de deux grosses échauguettes.
Nous terminons la montée à travers les jardins pour atteindre le parvis de la cathédrale où nous attendent nos deux guides. Nous nous dirigeons alors vers le palais épiscopal.
Un peu d'histoire
Située sur une butte témoin des côtes d’Ile de France, Laon est le dernier plateau calcaire au nord. Au sud, on peut voir celui du Chemin des Dames. Très venté, il portait autrefois des moulins à vent. Un palais épiscopal y était situé dès la période gallo-romaine.
Le premier évêque fut, au VIe, Gennebaut, neveu par alliance de St Rémi dont il avait épousé la nièce. Il était le second en dignité après l’évêque de Reims et était également Seigneur de Laon. Il dut répudier son épouse dont il avait eu 2 enfants : Vulperina et Latro qui fut le deuxième évêque de Laon.
Entre le VIe et le VIIe siècle, 3 abbayes sont fondées et Laon se couvre d’églises (environ 40). Les rois carolingiens puis capétiens firent de fréquents séjours dans le palais, du VIIIe au Xe. Les carolingiens en avaient fait leur capitale. La fille du comte Lambert y naquit : Bertrande ou Berthe au grand pied, mère de Charlemagne.
Une première cathédrale est fondée en l’an 800. Elle sera remplacée par une église romaine au XIe. Entre temps, les carolingiens ont cédé la place aux capétiens…. Grâce, en particulier, à l’évêque de Laon, Adalbéron, qui soutint Hugues Capet.
En 1112, de graves évènements se produisent : L’évêque Gaudry est un puissant personnage. Nommé par Louis VI le Gros, il est aussi duc et pair de France. Mais il est souvent absent. C’est le clergé qui gère la ville. La ville haute se développe. 5 km de remparts sont bâtis, l’économie et la culture sont en pleine expansion. Les habitants profitent de l’absence de l’évêque pour acheter aux chanoines une charte de franchise. L’évêque, furieux, obtient du roi le droit d’enchérir… mais comme les caisses sont vides, il impose les laonnois ! Ceux-ci prennent les armes. L’évêque cherche à s’échapper de son palais mais les chanoines ont fermé la porte. Il se réfugie dans les sous-sols, se cache dans un tonneau. Découvert, il est massacré par la laonnois qui incendient le palais. Le feu détruit aussi la cathédrale et la cité épiscopale.
Une nouvelle cathédrale est construite dans les années 1150 par l’évêque Gautier de Mortagne. Au XIIIe, un nouveau palais épiscopal voit le jour.
Nous avançons jusqu’au bord des remparts. Ils dominent sur 100m de dénivelé, formant une ceinture inexpugnable, qui subira 3 assauts par siècle, sans jamais être prise. (Une source, présente dans l’argile, permettait de s’abreuver et les silos gallo-romains sont pleins de vivres).
Sur les pentes poussait la vigne et, au sud, des prairies abritaient le bétail.
La ville ne cédera qu’en 1594, après le siège de Henri IV qui voulait en déloger les ligueurs. Il y construira une citadelle. Après l’indigne évêque Gaudry, Barthélémy de Jur réforme le diocèse, aidé de son cousin, Saint Bernard. Il rencontre le futur Saint Norbert, originaire du duché de Clèves (Xanten) qui appuie auprès du Pape Calixte II sa demande de créer un nouvel ordre religieux, achète pour lui, en 1120, un lieu désert appelé Prémontré. C’est là que Norbert fonde la maison-mère de son ordre.
Nous quittons les remparts pour revenir vers la cathédrale par une ruelle qui porte un nom que nous connaissons bien : la ruelle Abélard ! Dès le XIIe, Laon est une ville culturelle où l’on apprend les Arts Libéraux. Abélard y suit l’enseignement du maître écolâtre, Anselme. Mais leurs idées sont totalement opposées et il en est vite chassé … pour avoir la destinée que nous savons.
Nous voici devant la cathédrale, une des plus anciennes de style gothique de France. La superbe façade harmonique est surmontée de 2 tours très ajourées. 2 autres s’élèvent au-dessus du transept, avec une tour-lanterne entre les 2. Elle comptait autrefois 7 tours.
Au sommet de chacune d’elles, dépasse la silhouette de 2 boeufs (6 en tout). Ces animaux étaient en effet utilisés pour tirer les lourds chariots ramenant les pierres depuis le Chemin des Dames. Une légende raconte qu’un de ces attelages ne pouvant gravir la colline se fit aider d’un bœuf qui disparut ensuite mystérieusement. La statuaire des 3 porches a été malheureusement très endommagée à la Révolution.
Au XIXe, il n’y a plus d’évêque : l’évêché est à Soissons. Mérimée commande la restauration qui va durer 70 ans. Un architecte protestant, élève de Viollet-le-Duc, Emile Boeswillwald, en est chargé. De chaque côté du portail central, 2 têtes d’animaux surprenantes : un rhinocéros et un hippopotame ! Notre restaurateur a cédé à la mode de l’exotisme ! Il a aussi fait sculpter sa tête sur un des piliers. Au- dessus du portail, une statue de la Vierge, dont l’iconographie se retrouve à Chartres, est entourée de pinacles. Le portail du Jugement dernier représente Jésus, Marie et les 12 Apôtres, puis Saint Michel séparant les élus des damnés. Dans les voussures s’étagent des Vierges folles et des Vierges sages.
L’intérieur évoque Notre-Dame de Paris : 110m de long 30m de large pour une hauteur de 24m. 4 niveaux d’élévation. La construction se poursuit de 1155 à 1235. La nef est couverte de voûtes sexpartites. La rose du transept nord (1170-1180) représente les Arts Libéraux figurés dans 8 médaillons. Le 8e est la Médecine. Au centre, la Sagesse philosophique. On remarque le début d’une arcade….au XIVe, on voulut supprimer la rosace pour la remplacer par une grande ouverture… la tour au-dessus menaçait de s’écrouler. Le transept sud est éclairé par un vitrail en grisaille. Au milieu du transept, s’élève la tour-lanterne, un élément roman, comme la sculpture de certains chapiteaux (personnages, animaux fantastiques etc…) Le chœur est fermé par une grille du XVIIe. Le chevet est, curieusement, plat. Il n’est pas d’origine. Le chœur, qui ne comportait que 3 travées, a dû être agrandi au XIIIe de 7 travées (il y avait jusqu’à 83 chanoines). Le mur du fond est percé de 3 fenêtres hautes surmontées de la rose de l’Apocalypse datant de 1230. Dans une chapelle, l’évêque Gautier de Mortagne, consacra un autel à son ami, Thomas Becket, qu’il avait accueilli à Laon avec Jean de Salisbury en 1163, lors de ses premiers affrontements avec le roi d’Angleterre Henri II Plantagenet.
Nous quittons la cathédrale pour l’enclos canonial. En face, la belle chapelle romane des Templiers, dans un jardin fleuri, rappelle le souvenir d’une Commanderie du Temple, fondée ici au XIIe.
C’est le retour au car et la rentrée sur Melun, après ces deux jours bien remplis.